Des présocratiques à Aristote : les présupposés philosophiques grecs dans la conception du monde de Raymond Lulle

RABAT Gerard

 

 

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    Résumé : La Chrétienté médiévale fut marquée par la confrontation entre la philosophie grecque et le texte biblique, la confrontation entre Athènes et Jérusalem. On ne peut comprendre la pensée des auteurs du Moyen Âge sans cette référence aux philosophes grecs. C'est le cas pour le mystique Raymond Lulle qui vécut au XIII° siècle et au début du XIV° siècle et ce, d'autant plus que se dénommant " christianus arabicus " il fut particulièrement influencé par les philosophes hellénisants musulmans, les falâsifa dont les plus importants furent Al-Kindî, Al-Fârâbî et Ibn Sînâ que les scolastiques appelaient Avicenne. Un de ces premiers écrits en catalan et en latin fut le " Compendium logicae Algazelis ", la " Logica del Gatzel " (1272 - Montpellier). Or Abû Hâmid Ghazâlî, frère du mystique soufi Ahmad Ghazâlî, passa, à tort, auprès des scolastiques pour un philosophe collègue de Fârâbî et d'Avicenne car son livre " Les intentions des philosophes " (Maqâsid al-falâsifa) eut un curieux sort en Occident chrétien car traduit en latin en 1145 par Dominicus Gundissalinus sous le titre de " logica et philosophia algazelis arabis ", il était privé de son exorde et de sa conclusion dans lesquels Ghazâlî déclarait son propos d'exposer les doctrines des philosophes pour surtout ensuite les réfuter. C'est en cela que Ghazâlî passa pour les auteurs latins et pour Raymond Lulle pour un des philosophes hellénisants musulmans. Mais pas pour Averroës (ibn Roshd) qui écrivit un livre l'Auto-destruction de l'autodestruction (tahâfot al-tahâfot) en réponse à un autre texte polémique de Ghazâlî intitulé l'autodestruction des philosophes. Or notre mystique catalan participa à la lutte anti-averroïste en cette fin de XIII° siècle et on a tendance à voir en lui un platonicien plutôt qu'un aristotélicien. Mais si Averroës est le plus célèbre commentateur d'Aristote comme le nommera Dante Alighieri dans la Divine Comédie, il fut un philosophe hellénisant musulman atypique qui d'ailleurs n'eut aucune postérité en terre d'Islam. Les falâsifa étaient aussi des aristotéliciens comme Averroès mais selon un Aristote néoplatonisé que ne rejetaient pas certains augustiniens médiévaux et qui donnera ce courant qu'a très bien analysé Etienne Gilson sous la dénomination de l'avicennisme latin. En réalité, notre Raymond est tout autant et même surtout aristotélicien car il ne faut en rien se laisser prendre au piège de cette simplification duelle qu'a immortalisée Raphaël dans son célèbre tableau l'école d'Athènes où l'on voit Platon pointer du doigt le ciel et Aristote étendre sa main en direction de la terre.  

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Site "Cercle Raymond Lulle"