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Résumé : Dans son livre "la philosophie de l'Amour chez Raymond Lulle" (page 19), le lulliste Louis Sala-Molins, faisant siennes les opinions d'Ibrahim Madkour, écrit que la conception du monde du majorquin s'appuie sur les idées "scientifiques" de l'alchimiste musulman persan Jâbir ibn hayyân al-sûfi; ce qui justifie pleinement les thèses soutenues par l'auteur de la parenté du corpus lullien et de l'alchimie. Lulle se disait lui-même "christianus arabicus" et toute sa vie fut focalisée par la conversion des infidèles par l'argumentation rationnelle et cela à partir des conceptions philosophiques communes aux chrétiens et aux musulmans qu'était la synthèse faite entre le platonisme et l'aristotélisme par les philosophes hellénisants musulmans, les falâsifa. Notre bienheureux catalan soutenait par "raisons nécessaires" la tri-unité chrétienne face à la simple unicité divine des musulmans mais cela à partir des dogmes communs aux deux religions, en particulier celui de la résurrection. " Si no es resurrecció, lo mon no ha perfecció" écrit notre Raymond dans le Dictat de Ramon et la cause finale de tout l'univers était pour lui un processus de perfection dont le point omega était le Christ ressuscité avec son "Corpus glorificationis", transfiguration de toute matière. Henry Corbin écrit que "l'imâmologie en théologie shî'ite est quelque chose comme l'homologue d'une christologie en théologie chrétienne" (Histoire de la philosophie islamique p. 145) et à sa suite, Pierre Lory dans sa superbe étude "Mystique et alchimie en terre d'Islam" consacrée entièrement à l'alchimiste ultra-shiite Jâbir ibn hayyân montre que le Qa'îm, l'Imâm intérieur, l'élixir/résurrecteur du processus alchimique du persan, à la même fonction que celle du Christ dans le processus de "terminació" chez le mystique majorquin. Outre le fait que cette mise en parallèle de l'alchimiste persan avec le fondateur de la langue littéraire catalane, convaincante en ce qui concerne le livre de l'Ami (Kitab al-khalil) et sa conception des "dignitaires" face au livre de l'Ami et de l'Aimé et la conception des "dignités" de notre Raymond, leur commune conception d'un processus de libération du mal et de transfiguration de la matière donne tort à la thèse de Carl Gustav Jung qui n'a cessé de soutenir que l'alchimie était d'origine gnostique concevant une libération de l'âme prisonnière de la matière et un processus de réunion des contraires de Bien et de mal. L'alchimiste persan dont les textes furent traduits en Occident à partir du milieu du XIIe siècle est l'alchimiste musulman le plus important et le plus universellement connu et un Roger Bacon, situé tout comme Raymond Lulle à la suite du franciscain Bonaventure, disait de lui qu'il était le "maître des maîtres". Marco Polo, au service en Chine mongole du Khan Koubilaï, en entendit les louanges faites par le propre médecin du Khan. Certes, le pseudo-lullisme alchimique est une réalité mais reconnaître ce fait ne doit pas comme le font les lullistes modernes occulter la vérité du fondement alchimique de la pensée lullienne et la récente édition du livre de Pierre Lory sur Jâbir ibn hayyân devrait permettre de révolutionner l'approche du corpus lullien. |
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